Cette 4ème séance du séminaire Muséologie 2.0 était intitulée "Comment la dynamique de contribution peut-elle converger avec l'indexation et la mise en place par les musées".
Rapide tour de piste des 5 interventions :
1. Stratégie de notoriété de photographes via Flickr, par Maxime Crépel
2. Flickr Commons par Patrick Peccatte (SoftExperience)
3. Fonds Trutat sur Commons / Flickr et Wikimédia, Bibliothèque de Toulouse, par Pascal Krajewski
4. Wikimédia Commons, par Jean-Frédéric Berthelot (Wikimédia France)
5. La (future) plateforme collaborative de la Cité de l’immigration, par François Queré et Renaud Sagot
6. La notion d’autorité et d’identifiant dans l’écosystème du Web par Romain Wenz (BNF)
L'étude présentée portait sur l'analyse de la stratégie de notoriété de photographes amateurs/professionnels sur Flickr, en particulier à travers leurs pratiques d'indexation et de gestion de cette indexation. L'étude est très riche. Nous retiendrons 2 points :
# 4 types de trajectoires différentes (sur 35 personnes étudiées)
- l' « amateur désenchanté » (13 utilisateurs) : qui finit par s'exposer que « pour soi et ses proches » :
- l' « amateur enrichi » (11 utilisateurs) qui cherche une reconnaissance sociale plutôt que quantitative, par ses pairs
- la « professionnalisation en ligne » (8 utilisateurs) avec la recherche d'une conversion d'audience et de notoriété. Dans ce contexte, on assiste à deux mouvements : celui de la standardisation des métadonnées et du titrage, et une « fermeture » des métadonnées (et des leviers associés). C'est bien connu si on ne donne pas des clés, on n'accède pas...
- enfin des « professionnels » convertis au web 2.0. (3 utilisateurs) qui ouvrent largement leurs données
La sentence tombe: la professionnalisation conduit à une fermeture progressive de la contribution du public.
# L'autre aspect concerne la diversité d'actions et de marqueurs (les tags) qu'a, à sa disposition, l'amateur / professionnel pour mener sa stratégie et engager une relation avec les publics
- suivre l'audience – le compte professionnel de Flickr offre une palette très riche d'outils et de fonctionnalités ;
- par rapport à son fonds, il est possible d'exploiter une diversité de types de marqueurs (qui se trouvent ici sur Flickr au même niveau dans les métadonnées)
- des marqueurs personnels comme les « groupes de seuil » - 100v10f (et des étoiles),///
- les marqueurs de flickr "explore"
- les votes entre utilisateurs
- le principe de la « norme de neutralité » (poster des commentaires)
- le principe de la « norme de réciprocité » (répondre au commentaire)
- la qualité de la Page d'accueil
- une stratégie de dépôt adaptée : un peu tous les jours, plutôt que beaucoup d'un coup), poster dans les groupes flickr, dans l'écosystème de flickr
- ouvrir ses collections en prenant les options standards adhoc : statut public, téléchargement autorisé, ....
Avec bien sûr les biais bien connus de tagging "opportuniste"
2. Flickr Commons par Patrick Peccatte (SoftExperience)
The Commons (Flickr) regroupe sur cette plate-forme, des photos proposées par différentes institutions du monde entier – dont seulement 1 en France (La Bibliothèque de Toulouse . Bravo à elle !
Ce projet s'inscrit dans une ouverture « hors les murs » des institutions en vue d'augmenter l’accès aux photos tenues par un établissement public et permettre au grand public d’apporter des informations et des connaissances sur ces photos. Et comme le dit Pascal Krajewski de la Bibliothèque de Toulouse (voir plus loin), LE participant à Commons : à moindre coût.
La présentation de Patrick Peccatte est déjà en ligne, avec une synthèse écrite de l'exposé, mais j'ai relevé 2 points :
- La LoC - La Library of Congress qui a initié ce projet en 2007 a une « expérience de longue date de collaboration avec les publics » - en salle de lecture, par emails, ... par des chercheurs ou par des volontaires et des « history detective ». les relations aux publics ne s'improvisent pas et ne se décretent pas ....
- Les constats de la LoC pour ce type de projet
- faire l’effort de connaître la communauté en ligne et apprendre à participer plutôt que demeurer un observateur silencieux;
- être prêt à répondre aux commentaires et questions, à rejoindre les nouveaux groupes;
- développer des critères de modération;
- être prêt à céder une partie du contrôle sur les contenus une fois qu’ils sont placés sur les sites du Web 2.0;
- demeurer modeste: la LoC n’est pas pour les usagers un catalogue de référence, mais une ressource parmi d’autres où le public vient réagir sur des collections patrimoniales.
3. Fonds Trutat sur Commons / Flickr et Wikimédia, Bibliothèque de Toulouse, par Pascal Krajewski
Pascal Krajewski de la Bibliothèque de Toulouse expose les motivations du choix Flickr en 2008 et plus récemment (fin 2011) de Wikimédia :
- Le "contributeur ne contribue pas sur des plateformes contributives". Ce point a été débattu dans la salle. De mon point de vue (voir intervention Cité de l'immigration) cela dépend du contexte...
- Il n'y avait pas de structure/organisation interne à la Bibliothèque adaptée pour répondre aux commentaires, assurer des fonctions de « community management » ou de curation - les albums sur Flickr sont un minimum, ni d'outils en interne (en 2007)
- Le contexte particulier d'un fonds photographique partagé entre trois institutions locales dont seule une souhaitait initier un projet. D'où un projet "light" sur le plan financier, humain ou technique...
L'arrivée du projet avec Wikimedia s'inscrit quant à lui, dans une démarche globale : la ville de Toulouse ayant signée une convention globale avec Wikimedia. Ce projet va permettre de réunir ce fonds Trutat issu des trois institutions. Le projet est en cours, mais l'objectif est clair : que les photos fournies librement soient documentées par des wikipédiens. A suivre...
4. Wikimédia Commons, par Jean-Frédéric Berthelot (Wikimédia France)
Wikimédia Commons est la « médiathèque de 12 210 757 fichiers média librement réutilisables et que chacun peut enrichir » (avec une progression de 4 millions par an).
Le problème principal concerne l'ingestion des données, les questions de multilinguisme et de catégories (et d'alignement de vocabulaires). Un exemple : Paris by night (toutes les métadonnées ainsi que les liens avec les pages de l'écosystème wiki où cette image a été utilisée)
Concernant l'intégration des données - On sait que Wikipédia s'affranchit des normes préexistantes (Geoname semble d'ailleurs mal ou pas connu...), mais il a des règles éditoriales très strictes – via dans le jargon wikipédien, de « boîtes », formats ou schémas, et quelques principes - dont celui de rediriger vers l'institution source...
Vous vous imaginez donc le travail ! Nous avons eu une présentation rapide des problèmes rencontrés ...
Un paramètre-clé de Wikipédia concerne le multilinguisme - ce qui complexifie le chargement des indexations. Pour pouvoir réaliser certaines traductions automatiquement, il faut suivre des modèles syntaxiques comme : {{Technique|photograph|glass}} ; {{Size|cm|4.5 5.5}} ; {{Other|date|circa|1905-07}} ; {{Other|date|between|1905-1920}}.
L'autre paramètre-clé de l'écosystème Wikipédien portent sur les « catégories ». Il n'est pas encore question d'alignement (automatique/semi-automatique) entre vocabulaires ici, d'où un travail humain important...
Revenons à la dynamique de contribution, à la hauteur du projet Wikipédia. Une statistique (voir le support à venir) concernant le fonds Trutat de volume assez faible : 1577 catégories ajoutées aux photos et un (léger) travail de géolocalisation (en 4 mois).
5. La (future) plateforme collaborative de la Cité de l’immigration, par François Queré et Renaud Sagot
Avec cette présentation, on change non pas de sujet – il s'agit bien de collaboration des publics – mais de contexte et donc de solution.
Le projet – en cours de développement, prévu pour 2012 – vise à faire participer les publics sur le site même de la Cité de l'immigration, « dans les murs » donc.
Il est nécessaire de revenir sur ce projet, car il semble bien souvent mal compris.
La Cité de l'immigration a une pratique de collaboration avec ses publics depuis son origine pour des témoignages oraux ou d'objets,... On peut même dire que c'est un des fondements de ce lieu.
Déjà aujourd'hui, la Cité porte ces principes sur le Web : collections de photos sur Flickr et DailyMotion (le fabuleux Abd El Malik à la Cité) présence sur twitter ou Facebook, et relation site/plateformes (j'aime / j'aime pas).
Aujourd'hui la Cité souhaite une relation plus soutenue avec les publics, peut-être moins « volumineuse », mais de « qualité », forte ou plus personnelle, plus impliquante encore. L'option prise : une plateforme contributive sur le site institutionnel ( Drupal), et non sur le Web. Comme les remarqus faites pendant la séance le montrent – « ces fonds seront ils utilisables en dehors » ? quels liens avec les réseaux sociaux » …., le fait que le dispositif ne soit pas hors les murs (mais j'ose dire que Flickr et Facebook ont aussi des murs ...), semble discrédité le dispositif d'échange avec le public.
Je pense qu'il faut aller plus loin que ce constat. Il faut comprendre ici le contexte – l'immigration (sujet sensible pourrait-on dire), et surtout la volonté de laisser s'exprimer des voix que l'on entend jamais.... La Cité est reconnue comme une institution à l'écoute des publics, de ceux qui ont vécus ces immigrations ; elle poursuit cette objectif.
Il n'y a pas ici d'objectifs de documentation ou redocumentarisation des collections, mais plutôt d'offrir la possibilité aux publics sur le site et ceci quel que soit le niveau du site (collection, mais aussi actualités/agenda, revue, ....) d'ajouter des témoignages, d'écrire un article, d'intégrer des photos, vidéos, …, de commenter ou d'ajouter une actualité, y compris dans la rubrique Magazine de la Cité.
Le projet est en cours de tests complémentaires avec des utilisateurs choisis parmi la communauté déjà existante, pour établir les derniers réglages, avant l'ouverture. Que l'on attend avec impatience !
6. La notion d’autorité et d’identifiant dans l’écosystème du Web par Romain Wenz (BNF)
Avec notre hôte, Alexandre Monnin, impossible de se réunir sans parler d'identifiants.
Et un séminaire « culturel » sans la Bnf, impossible !! Nous avons donc eu les deux sujets en un avec Romain Wenz et l'exposition des données sur le web avec data.bnf.fr et les identifiants ARK.
Un constat : ces principes sont peu visibles dans les expériences qui ont été montrés à cette séance, ou alors très timides. On peut citer les rebonds possibles entre les plateformes collaboratives et le site de l'institution sous la forme d'un DC identifier dans les tags dits de programmation sur Flickr pour les photos de la LoC (un exemple). Et bien sûr vous pouvez faire un usage immodéré des identifiants ARK (un exemple, améliorable sur le plan éditorial, de liens ARK vers Gallica sur l'article Wikipedia « Carte du Ciel »)
En conclusion : des stratégies adaptées aux contextes et aux objectifs, différentes sur plusieurs plans :
- les publics visés : (large) ouverture ou (large) fermeture
- les espaces web de départ : sur une plateforme dite publique (flickr, wikimedia) ou sur son espace (institution)
- les support des échanges : sur des ressources fournies par le promoteur (une institution ou une personne), ou par le public lui même, ou sur des ressources fournies par les deux (Cité de l'Immigration, Wikimédia)
- la matérialité des échanges : des mots-clés (flickr, wikimédia), une information descriptive plus riche (wikimédia), des contenus plus riches et plus personnel (Cité de l'immigration)
Un 5-8 très intéressant. Merci à notre hôte.
Prochaine séance le mardi 13 Mars 2012 (sur Calenda)– ingénierie sémantique et sociale : comment les musées peuvent articuler leurs collections avec des plateformes contributives. Cette séance de février était une mise en bouche.
Merci Sylvie pour ce compte-rendu très riche ! Et pour le "teaser" qui l'accompagne ;) Effectivement, la prochaine séance prolongera je pense de belle manière ces interventions.
Rédigé par : Alexandre Monnin | 18 février 2012 à 00h30